Tempo

[À lire en écoutant Trøllabundin d’Eivør Pálsdóttir]

Hello,

Comment ça va ? Vous faites le plein de soleil, vous aussi ?
J’avais plein d’idées et pas de temps, pour cette lettre. Aujourd’hui j’ai du temps, mais toujours autant d’idées… Je ne sais pas où va nous mener cette histoire.
En plus j’ai un peu les pensées brouillonnes vu que je suis en jeûne.
Mais on est déjà le 12 et avant je faisais une lettre plutôt fin du mois précédent. Donc j’ai comme qui dirait 13 jours de retard.

En ce moment, je peux me disperser parce que j’ai du temps pour cela. J’ai devant moi une grosse semaine… et une grosse liste de choses que j’ai envie de faire bien sûr. Mais je suis en pause. La liste de pause n’est pas la même que celle du quotidien. Je ne vais voir personne, appeler très peu de monde, organiser moins, pas conduire ni courir partout. La liste de pause est en fait la fin de la liste du quotidien. Ces trucs que je relègue, qui ne sont jamais la priorité, que j’oublie, que je néglige. Une grosse semaine rien que pour ça. Rien que pour lire, écrire, faire du yoga, trier, mettre à jour, marcher, jeûner, et faire le plein de soleil.

Pendant longtemps, j’ai cherché mon rythme en 24h. Durant des années, je me suis fait plannings et programmes pour régler mes journées heure par heure, ou bien activité par activité. J’essayais d’y caser les choses prioritaires, celles vitales, celles que j’aime par-dessus tout, celle que je dois mais que je n’aime pas, celles que je n’ai jamais envie avant mais je me sens si bien après… Sans surprise, en 24h, ça ne tient pas. Et même si ça tenait, je ne suivais pas la cadence. Échec total.
Parce que j’avais mes règles – donc mal au ventre – je n’allais pas courir au moment où j’étais censée aller courir. Je n’avais pas la concentration pour lire au moment où j’étais censée lire. Je n’avais pas l’inspiration pour écrire au moment où j’étais censée écrire.
C’était rigide. C’était mort. Pas de place pour les imprévus ni l’enthousiasme dans ces cases et ces chiffres figés.
Je n’ai pas trouvé mon salut du côté de la discipline.

Plutôt du côté de l’écoute de moi. Je n’aime plus me forcer (ai-je déjà vraiment aimé ?). J’écrirai un article sur cela : l’attention portée à son corps, à ses élans, à ses émotions, comme guide pour ses choix et son rythme. Je vous dirai quand ce sera fait.
Donc, je me suis mise à m’écouter, pour de vrai. Et, finalement, à faire ce que je sens/vois être bon pour moi. Je découvre que ma cadence n’a rien à voir avec une journée. Mon cycle ne dure aucunement 24h. Je souris tendrement à la moi d’avant qui a tant et tant essayé. Portée par les omniprésentes injonctions, certaine que tout le monde y arrive et que je loupais un truc, que je ne m’y prenais pas bien. Aveugle au fait que le truc loupé n’était pas le moyen mais bien la fin. Je ne me prononcerai pas pour les autres, mais pour moi, rythmer ma vie en additionnant des 24h similaires et parfaitement réglées est complètement vain. Je ne fonctionne pas comme ça.

Je fonctionne par phases.
Tout en moi adore m’investir dans mille projets, j’ai mille idées, je suis sur mille fronts à la fois, j’avance à mille à l’heure. Je déborde d’énergie et je passe beaucoup de temps tournée vers l’extérieur. En une journée, je coche plein de tirets de ma liste du quotidien. Ces jours-là, je ne fais pas de yoga, je n’écris pas, je lis peu, je trie rarement. Mais il y a tout de même, au sein de ces jours-là, plein d’instants où je suis tournée vers l’intérieur. Je fais une mini pause. Je savoure le soleil, j’épile mes sourcils, j’écoute mes sensations. Je stresse aussi parfois, tout n’est pas rose n’est-ce pas. Je suis totalement en lien avec moi. Je cours avec moi-même, pas devant.
Et puis vient le moment où je sens que cette fois, j’ai besoin de cocher la fin de ma liste, celle que je n’atteins jamais. J’ai besoin de faire du yoga, lire, écrire, marcher. J’ai besoin de me ressourcer. Longtemps. Alors je pars. Je n’ai ni travail, ni enfant, ni autre obligation de rester quelque part. Alors je pars loin, la distance géographique m’aide à couper. Et je m’octroie une grosse pause.

Voilà, c’est ça mon rythme. Des allers-retours entre dehors et dedans, ici et là-bas, rapidité et lenteur.
Je tâtonne, tout est voué à changer, comme toujours. Mais aujourd’hui, c’est ainsi que je trouve douceur et joie.

En cette grosse semaine de pause, ça tombe bien, il y a un grand soleil !

Je vous souhaite de vivre selon votre propre tempo,

Alexe