SOMMAIRE
BESANÇON
LE-PUY-EN-VELAY
LE-PUY-EN-VELAY–CONQUES
ESPALION
CONQUES
CONQUES–FIGEAC
FIGEAC–CAHORS
CAHORS–LECTOURE
LECTOURE–MANCIET
MANCIET–NAVARRENX
NAVARRENX–SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
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BESANÇON
11/08
Jour -1
C’EST TI-PAR !
Adieu, Belle Ville de mon cœur..
C’est sûr, les êtres qui te peuplent vont me manquer, tes collines et tes rues, tes sourires, tes Big Ban et mon chat,
C’est sûr
À dans trois mois (ou pas ?) !
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LE PUY-EN-VELAY
11/08
Jour -1
Profiter de l’accès au wifi et à l’électricité pour partager une seconde fois ici aujourd’hui (ça sera sans doute plus rare ensuite..)
Bien arrivée au Puy, après, déjà, quelques inattendues aventures..
J’ai rendu visite à la Vierge juste avant le déluge.
Le Ciel ici, aujourd’hui, est bas, sombre, mouillé… enveloppant et rassurant aussi. Il gronde et a quelque chose de doux, de cotonneux, qui protège en cette soirée de fins avant le début ; dernière douche chaude, dernière lessive dans un lavabo dans une salle de bain, dernière nuit dans un lit, dans du dur, dans une ville…
Hâte du début de demain, du début de ce nouveau cycle.
L’excitation qui ronronne au creux de mon ventre.
Dans trois mois je dirai qu’en ce dimanche 11 août « je ne savais alors pas comme ce voyage allait changer ma Vie »…
Je suis prête.
LE PUY-EN-VELAY – CONQUES
12/08 – 21/08
Départ pluvieux..
Jour 1. En ce lundi matin brûmeux, pluvieux, nous sommes environ 200 à prendre la route de Saint Jacques depuis le Puy-en-Velay. Direction Compostelle ou avant, cela dépend des plans, du temps, des gens.. Ce premier jour fut plein de rencontres, de conversations, de partages. Assez peu de moments seule, finalement. Et puis, pour encore une dizaine de jours (ça se calmera, ça s’équilibrera ensuite), les jambes qui fourmillent, je trépigne et veux seulement marcher. Marcher marcher marcher. Je n’ai pas faim, je n’ai pas peur de ne pas trouver de spot pour planter ma tente. J’ai juste une montagne d’énergie trop longtemps contenue à évacuer, à refaire circuler, à donner à la Terre, aux rivières.
Jour 2. Décès soupçonné de mon téléphone. Inquiétude. Premières douleurs dans le genou gauche et le pied droit. Inquiétudes encore. Les bâtons sont salutaires, voire salvateurs, notamment dans la descente pour rejoindre Saugues. Une espèce de route en pente interminable, en béton qui plus est… l’horreur. La gratitude et l’amour envoyés, l’orgue de l’église, les douceurs de Jeanine, maman du Chemin, et une petite sieste auront raison de ces douleurs qui, à partir de ces repos, ne cesseront de diminuer chaque jour. Mon rythme continue à être effréné, malgré tout, comme animé par une sorte d’urgence. Je ne suis pas encore sereine.
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Jour 3. C’est toujours « l’autoroute » sur les Chemins. D’un côté, j’aime ça : recroiser chaque jour des personnes de la veille, en rencontrer d’autres, se donner des nouvelles des un·es et des autres. Un chocolat chaud de lait frais dans l’estomac, un fromage à peine fait dans le sac, je suis partie. J’ai mal, mais je fonce jusqu’à Saint-Alban-sur-Limagnole où j’espère que les personnes de l’office du tourisme pourront m’aider quant à mon téléphone. C’est finalement la libraire (cf. Obsolescence programmée) qui fera tout ce qu’elle pourra avant que j’atteigne enfin le camping où je m’effondre un moment, épuisée physiquement et psychiquement. Les rencontres continuent et sont plus que bienvenues ! Cette soirée avec deux hommes marchant également me sort de mes tracas et adoucit mon inquiétude.
Jour 4. Longue matinée de marche avec eux, parsemée de discussions et thé avec d’autres personnes croisées. À Aumont-Aubrac, nos chemins se séparent autour d’un aligot, j’en avais rêvé ! C’est auprès de cette fontaine que je rencontre Jacqueline, mon amie des Chemins qui va elle aussi jusqu’à Santiago. L’après-midi se poursuit de retrouvailles avec celles et ceux laissé·es en arrière et qui finissent par réapparaître. Joie, anecdotes, soleil ! Et puis je décide qu’il est temps pour moi de reprendre la route… à peine le Chemin entamé que je m’aperçois de la disparition de ma chaussette préférée (oui, sur trois paires, j’en ai tout de même une que j’adore)… Alors je suis cette Intuition : je retourne jusqu’à la fontaine où je me suis arrêtée papoter avec cette vieille dame, pas moins et pas plus loin. C’est à cet endroit que je retrouve ma chaussette… et mes copines du Puy ! Mes mamans à moi du Chemin, dont je n’avais aucun numéro ni nouvelles, quelle joie ! Cette jolie journée se termine par l’accueil d’une forêt de pins qui accepte que j’installe ma tente sur la mousse qui tapisse sa Terre. Merci.
Jour 5. Traversée de l’Aubrac, seule. Sublimes paysages. Cela reste à ce jour la plus belle étape que j’aie faite. S’arrêter écouter le silence, la couleur du vent, la beauté de l’horizon et des vaches qui le parsème. Le souffle coupé. Je croise, au milieu de cet écrin de paix aride, Fanny, une autre de celles qui visent Santiago, en solo. À Nasbinals, les touristes et les voitures m’agressent, je ne m’attarde pas. Cette journée dans l’Aubrac se termine un peu après le (magnifique) village du même nom, dans une forêt peuplée de chevreuils, venus me rendre visite lors de ma toilette de chat. Magie.
Jour 6. L’envie de marcher est toujours aussi présente. Tant mieux, Aubrac-Espalion est une grosse étape. La visite à nouveau du chevreuil ce matin me donne l’énergie pour décoller, la joie pour aborder cette journée en traçant tout en profitant. Les rencontres se font plus rares : j’y accorde moins de temps et je vais plus vite. La chaleur tente de me ralentir mais j’arrive à l’heure au magasin. La suite concernant mon téléphone, vous la connaissez. Décès avéré. La douche au camping ce soir-là fait un bien fou. Tout comme la douce soirée au bord du Lot. Je reprends tranquillement contact avec celles et ceux, précieux·ses, dont le quotidien continue.
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Jour 7. Sur le départ, je reçois des pâtes et du pâté d’un homme croisé au camping. Sans réchaud, je refuse les premières, mais la joie d’offrir qui illumine son visage me fait accepter le second.
Les douleurs aux pied et genou s’atténuent encore, mon rythme est encore rapide de tout ce que j’ai à évacuer, ce lot de tensions accumulées. Et puis plein les pattes du goudron ! Estaing est jolie, ravive un peu ma joie, mais ce qui m’attend n’est supportable que parce que partagé avec un jeune homme au même ressenti : des montées bitumées à n’en plus finir sous une chaleur infernale. Arrivé·es enfin sur le plateau, lui rejoint son gîte et moi le lieu qui m’accueillera pour la nuit. Ce sera une petite coulée verte sur le côté d’une maisonnette abandonnée… Mais ce ne sera pas pour la nuit. L’orage prédit eut bien lieu, juste au-dessus de moi, les grêlons agressant ma tente. Je décide de me replier au gîte où les superbes rencontres et le partage d’un repas et du fameux pâté feront oublier la pluie qui tombera toute la nuit, la désagréabilité du propriétaire et le prix exorbitant du lieu..
Jour 8. Un départ avec une barre au front et un corps un peu patraque. Deux heures après, la vue d’une biche et de ses deux faons au loin me ravit et l’énergie peu à peu revient. J’arrive dans l’après-midi à Conques, on ne peut mieux accompagnée puisqu’avec un vieil homme du coin qui entreprend de me faire découvrir les trésors de sa cité ! Je m’y sens bien. L’abbaye est accueillante, la messe belle et les explications du tympan de l’abbatiale intéressantes.. et son illumination en couleurs de nuit est étonnante de précision et de ravissement.
Jour 9. Aujourd’hui, je ne bouge pas de Conques. J’y attends, sous la pluie, mes ami·es du début qui s’arrêtent ici. Je vois mes amies franc-comtoise et vosgienne, Agnès et Brigitte, qui vont elles aussi jusqu’au bout, mais par le camino francès. Et puis mes colocs du Puy ! D’autres encore… Quelle joie, quelle ambiance, quelle chaleur ! Et le soleil revient.
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Jour 10. Les au-revoir sont difficiles, la montée pour s’éloigner de Conques permet d’évacuer la tristesse. Un petit peu. La cloche signifiant aux gens du village que nous sommes en chemin pour partir est sonnée. Il faut s’en aller, reprendre la route. Laissant derrière ces premiers repères.
Sans aucun doute, départ heureux.
ESPALION
20/08
Jour 6
Obsolescence programmée.
Ou leçon d’autonomie, indépendance et interdépendance
Je me voyais autonome, indépendante, libre, filant comme le vent, gravissant presque en courant les montagnes, traversant les villages ne m’y arrêtant que pour remplir gourdes et sac de vivres, ignorant les appels de l’extérieur, de la société, fuyant les villes, plantant ma tente dans des spots à la vue inouïe, profitant des sourires chantants des villageois, des animaux sauvages et ceux peuplant champs et coins d’ombre, des discussions entre pèlerins, et du Silence. Pour toutes préoccupations quoi manger et où dormir.
Le premier jour, la première nuit, ont ressemblé à cela.
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Et puis mon téléphone a rendu ‘l’âme’.
Confrontée alors aux interrogations intérieures quant à son utilisation, aux objectifs de cheminer avec ou sans portable, avec ou sans internet. Et aux « C’est un don du ciel », « C’est un signe »… Non messieurs dames, si c’est un signe, ce n’est pas celui d’abandonner là la technologie, mais peut-être de questionner et clarifier le rapport que j’entretiens avec.
Puis prendre la décision de ne pas me couper du monde. Et agir. De cette idée d’indépendance je passe à celle d’interdépendance, touchée par les élans et attentions multiples des personnes rencontrées. Cette femme qui me proposera spontanément de prévenir ma famille avec son téléphone, cette libraire qui passera tant de temps à essayer de réanimer, réinitialiser, mon décédé téléphone avant de bidouiller dans ses tiroirs pour me vendre un alcatel adapté – mieux que rien, ce vendeur de matériel de rando qui me donnera un sachet rempli de billes absorbant l’humidité pour y plonger mon téléphone. Et chaque jour ces différentes personnes qui m’ont à chaque fois rapprochée d’une solution qui prendra la forme d’un magasin de réparation/vente d’occasion, à Espalion.
Gratitude.
J’ai beaucoup pensé, ces jours-ci, à cet ami qui, à peine son permis moto en poche, a fait l’épreuve de la feuille collée sur la visière du casque, des graviers glissants ou encore de la pluie. Et qui a continué.
À ces années parisiennes pour moi, lyonnaises pour cet autre ami, nous rejoignant dans cette idée de persévérance. De tenir bon.
À ce livre de Jean-Louis Étienne enfin. Persévérer.
Alors j’ai marché. Beaucoup. Longtemps. Un genou en vrac et un pied pas bien mieux. Laissant derrière les premières connaissances que le Chemin m’a offertes.
J’ai marché, pour arriver à temps à Espalion. Et finalement acheter ce nouveau (fidèle ?) compagnon.
C’est le cœur et l’esprit plus légers que je suis repartie dimanche matin. Filant comme le vent mais abandonnée cette idée d’indépendance.
Première grande leçon de ce périple que celle de l’interdépendance.
CONQUES
21/08
Jour 10
Parti·es en masse du Puy ce lundi 12, embarqué·es par la fougue du début, l’enthousiasme des rencontres, les rythmes se cherchent, les regards aussi. Un peu perdu·es, déposé·es sur ce Chemin à l’allure anodine ; simple GR. On comprend rapidement qu’on va trouver bien plus et différent que cherché, peut-être même que désiré. Dans le sourire, les quelques mots et la présence de l’autre, on trouve le soutien pour rester sur la Route. Pour rester dans notre cœur en passe d’être bouleversé.
Peu à peu, les rythmes s’étirent, petites fourmis dans l’Aubrac, les marches se font seul·e, l’équilibre se trouve, le Silence revient.
Mes douleurs s’apaisent. Au bout de 10 jours, mon genou est presque remis et mes jambes cessent de me réveiller la nuit.
Je marche au gré des jours, les criquets volant sous mes pas, accompagnée de libellules, papillons, écureuils, hérons, et tant d’autres ! Délectée de framboises et mûres sauvages, nourrie par le soleil et les rencontres.
Et les jours passent…
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CONQUES – FIGEAC
21/08 – 23/08
Jour 10. La cloche signifiant aux gens du village que nous sommes en chemin pour partir est sonnée. Il faut s’en aller, reprendre la route. Laissant derrière ces premiers repères. Au-dessus de la ville je choisis d’emprunter l’ancien GR65, maintenant GR6, un peu plus sauvage, vallonné et boisé. J’y croise quelques randonneurs, et peine avec les montées pentues, la fraîcheur humide, ma tristesse envahissante et la solitude. Quelques doutes et regrets me traversent. Mes yeux rencontrent un moineau sur le bord de la route, immobile mais debout. Les occupant·es d’une maison, quelques mètres plus loin, me promettent d’en prendre soin. Pensées pour lui. Passage à Décazeville ensuite. Que sa réputation précède depuis quelques jours sur le Chemin : ancienne ville minière, industrielle, moche… Une variante du GR permet de l’éviter, mais, curieuse et intriguée, j’y passe quelques minutes pour en sortir encore plus vidée d’énergie, envahie d’un large malaise, le cœur davantage serré. Aucun lieu accueillant ne se présente pour le repos dont j’ai amplement besoin. Après une heure d’indécision assise entre deux terrains forestiers pentus, au milieu des mouches, crottins et bidons en plastique, je reprends mon sac à dos et rejoins Livinhac-le-Haut où je croise des visages connus et bienvenus !! La soirée et la chaleur qui suivront permettront d’adoucir ces sentiments d’insécurité et de tristesse qui s’étaient tranquillement installés, tout au long de la journée, dans le creux de mon être. À vous, merci.
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Jour 11. Journée de digestion. À l’aide de discussions de tout, de rien, de profond, de léger ; à l’aide de silences, de sourires, de regards et de proximité. Doucement la tristesse s’est dissoute, la panique d’à nouveau sombrer s’est évanouie. Et la joie a retrouvé le chemin de mon être. Bonjour. Soirée cocoon, bercée de chants, de rires et de Lumière, d’un repas grand luxe et d’une précieuse complicité. Trois s’en vont, trois continuent. Jean, Marie, Jean-Philippe, on vous emmène avec nous.
Jour 12. L’obscurité traversée, la Confiance revenue, de Rocamadour et du Célé c’est cette seconde variante qui m’appelle. Jacqueline et Fanny partent de l’autre côté ; on se retrouvera.
FIGEAC – CAHORS
23/08 – 27/08
Jour 12. L’obscurité traversée, la Confiance revenue, de Rocamadour et du Célé c’est cette seconde variante qui m’appelle. Jacqueline et Fanny partent de l’autre côté ; on se retrouvera. Allégée de quelques centaines de grammes (ça compte !) renvoyés à Besançon, j’entame la côte qui m’éloigne de Figeac, journée aux émotions et sensations montant crescendo à l’horizon. Faite d’une rencontre nous plongeant toutes les deux directement dans des sujets profonds et dans nos cœurs, accordant nos rythmes, partageant un repas et des bribes de notre vécu, nous écoutant, nous comprenant, dans cette intimité rarement accessible de prime abord. Faite de la Douceur de nos deux voix mélangées dans l’antre de cette chapelle, offertes, vibrant et résonnant dans nos corps, faisant trembler mon cœur. Faite de rires et de cris de joie, d’écureuil et de pierres celtes. Belle route, Daïa. La mienne ce jour rejoint le bord du Célé, dans lequel il fait bon, après pareilles émotions, de se baigner.. et de chanter.
Jour 13. Après une nuit au chant des grenouilles, je poursuis ce que je viendrai à caractériser de ‘parenthèse enchantée’ sur mon Chemin. Ne croisant que de rares randonneur·euses, bien souvent dans le sens inverse, goûtant simplement à la beauté silencieuse des villages troglodytes, le souffle régulièrement coupé par la vue époustouflante s’ouvrant devant moi après une harassante montée. À croiser plusieurs ‘châteaux des anglais’ érigés contre la roche, à méditer dans l’alentour apaisant et protecteur d’un lavoir gardé par deux intimidantes libellules, à n’être plus si surprise mais toujours émerveillée de me retrouver nez à nez avec un écureuil ou une biche, le ventre empli de mûres sauvages et le sourire se trouvant bien sur mon visage. Et puis des rencontres, toujours. Celle de Camille, et de sa maman, aperçues la veille, revues deux fois aujourd’hui, en haut sur le causse et au bord du Célé. Sensibilités partagées, comme deux êtres qui se reconnaissent, qui savent, et une belle histoire amorcée. C’est tard, après avoir scruté le sol calcaire un long moment, que s’est révélé le petit carré d’herbe qui accueillera ma tente pour la nuit.
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Jour 14. Encore une journée à crapahuter entre Mas et vallées, entre vue sublime là-haut perchée et déambulation au sein des villages encastrés dans les falaises, le Célé filant au creux du Quercy. La chaleur invite habitant·es et visiteur·euses à rejoindre la rivière, une petite fille me parle d’Amour et nous cueillons des mirabelles, comme un lézard je fais le plein de soleil et des joyeuses discussions qui m’entourent. Puis je reprends la route vers les hauteurs, entre les murets de pierres sèches et les chênes rabougris qui griffent mon sac à mon passage. Je sens l’appel du camping de Cabrerets, sans trop savoir pourquoi, je ne m’arrête pas aux spots pourtant accueillants que je croise. Je comprends instantanément en découvrant la Beauté et la paix qui se dégagent de ce coin de Nature où la falaise surplombe le Célé, se penche au-dessus de l’eau, créant une grotte où il est si bon de nager, de se laisser flotter, de se sentir protégée et intimement reliée. Harmonie.
Jour 15. Qu’il est doux de commencer la journée en méditant face à cet écrin d’énergie vibrante et pure. Puis monter, encore. La chaleur est rapidement écrasante et la pause, au bord du Lot cette fois, bienvenue. Un couple de martins pêcheurs danse, des gens de passage, intrigués, me questionnent, et la courte nuit précédente commence à se faire sentir.. Je me tromperai à trois reprises de chemin aujourd’hui, la troisième fois me permettant de dénicher une avancée verte, en aval d’un barrage, où installer ma tente, au bruit de l’eau et d’un mulot grignotant un brin d’herbe, tout près.
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Jour 16. Traversée brumeuse des derniers kilomètres me séparant de la ‘grande ville’, l’esprit un peu inquiet de parvenir un jour à suivre pleinement mon propre rythme enfin ; j’approche de Cahors. La fin de la solitude enveloppante, du Silence ressourçant, des moutons derrière les murets blancs et de l’intense sensation de Liberté. La fin de cette parenthèse enchantée.
CAHORS – LECTOURE
27/08 – 03/09
Jour 16. J’approche de Cahors. La fin de la solitude enveloppante, du Silence ressourçant, des moutons derrière les murets blancs et de l’intense sensation de Liberté. La fin de cette parenthèse enchantée. Je retrouve Fanny, ravie d’enfin la rencontrer. Et c’est une formidable après-midi&soirée que nous passerons, rythmée par les éclats de notre hôte si attachant, explorant la ville, faisant le plein de graines, de discussions en terrasse et de conseils sur les camino auprès d’un passionné les yeux brillants de souvenirs, nous découvrant un rituel commun de chocolatines matinales, explorant nos intérieurs aussi, déjà. Tout va tellement plus vite, sur le Chemin. Et c’est bon.
Jour 17. LA chocolatine dégustée, le diablotin du pont Valentré repéré, nos discussions nous passionnent à nouveau et nous franchissons sans vraiment la remarquer la fameuse montée qui nous éloigne de Cahors. Absorbées, nous cheminons à travers les paysages du Quercy, abordant 1000 sujets de discussion, trop heureuses de nous relier à tant de niveaux. Impromptue, la rencontre avec un lézard vert occidental nous fascine (c’est énorme !!). Nous finissons par trouver notre espace pour la nuit, et, les tentes plantées, nous offrons une séance de yoga absolument apaisante. Nuit sous (dans) la Voie Lactée, calme parsemé de quelques aboiements de chevreuils. Repos.
Jour 18. Aujourd’hui, les partages riches et intimes reprennent, les charmants villages et paysages s’enchaînent, les dons aussi. Don de mots assénés avec un regard et une foi en lesquels on croit absolument : « je vous fais confiance pour vivre quelque chose de Beau sur ce Chemin » ; don de fruits, on veut payer, il nous rajoute une tomate… ; don de temps d’un magasin laissé ouvert juste pour nous ; don d’un bout de jardin pour la nuit. On n’a pas l’habitude. Il est bon d’être deux, alors, pour apprendre à recevoir.
Jour 19. Après café et chocolat chaud (dans un bar ouvert une demi-heure plus tôt pour nous, la série continue…), nous nous séparons. Envie partagée de laisser descendre et se digérer nos multiples échanges, de permettre aux îlots de points de vue de se connecter, aux prises de conscience de décanter. La journée sera longue et chaude. Un peu rude, en fait. Avec une grosse ombre au tableau que je ne veux pas nier ni développer, me choquant suffisamment pour que l’image reste gravée et le dégoût ancré. Adoucie par une belle soirée (moustiquée) à la Petite Lumière. Heureusement.
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Jour 20. L’envie de marcher est forte ce matin. Je m’éloigne sereine de Moissac, de ses voitures, ses bruits et son monde. Mais recroise l’ombre en grimpant vers les collines. Malaise. Peu à peu la sensation se dissipe. Mais reviendra pour d’autres raisons : les gilets oranges des chasseurs qui crispent mon horizon, un type qui reste trop longtemps dans ma bulle vitale… une journée qui commence en dents de scie, tantôt joyeuse, tantôt grinçante, se poursuit à l’ombre fraîche des platanes du chemin de halage, pour se terminer dans le cocon d’une vieille maison, la douceur d’un repas préparé ensemble, les rires et les discussions jusqu’au milieu de la nuit.
Jour 21. Qu’il est difficile de quitter Muriel, Frédéric et Didier du Par’chemin, que Fanny et moi conseillons bien sûr à Jacqueline – qui est à un jour de marche derrière nous. Tenter de traduire en mots et écrire nos sentis nous soulage un peu. Puis marcher seules. Pour digérer, encore. Les émotions sont décidément particulièrement fortes et décuplées sur la route de Saint Jacques. Joie, paix, bienveillance, reliance et connexion viendront me trouver ce jour. C’est doux. À l’orée du Gers, Fanny et moi nous retrouvons pour marcher ensuite vers le village où Pierre-Alexandre, un ami, doit nous rejoindre. Sous un figuier cependant, un coup de téléphone nous arrête, notre souffle est coupé, on se regarde, figées, le temps de prendre, et d’assumer, la décision d’accepter : et on saute partout, chante et danse. On rappelle Frédéric : « d’accord, viens nous chercher ». Qui plus est, quelle belle entrée dans le Chemin pour PA ! Jacqueline est là, les retrouvailles sont intenses et émouvantes. À la mesure de la préciosité du lien qui nous unit dorénavant, toutes les trois. Quel cadeau que cette magique soirée !
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Jour 22. Et le temps ici s’éternise, et passe plus vite qu’ailleurs. Décrire ces moments avec d’autres mots que ceux que j’ai déposés sur le mur du couloir du Par’chemin n’aurait aucun sens :
Un bruissement de feuilles,
Le sourire du soleil ;
et sur ton visage,
Des cœurs ouverts et des mets délicieux,
Les couleurs de chacun·e et l’Amour.
Ce n’est rien. Et c’est tout.
Mais il est 14h30, déjà. Alors on rejoint nos sacs qui nous attendent depuis quelques heures dans le coffre et on file (quelle sensation déroutante de vitesse dans la voiture !) direction le figuier… Stoppé·es net à nouveau : toutes trois nous précipitant hors de la voiture dans les bras des sœurs, Agnès et Brigitte. On se croise et se recroise. Toujours et jusqu’au bout. Soirée étoilée, un lac, un feu, du maïs à faire cuire, des sourires et des chants… Et Muriel, Frédéric et Didier ! Une dernière fois.. avant la prochaine.
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Jour 23. La nuit a été fraîche, et la rosée a essayé de nous laver de ces intenses émotions. Une nouvelle aventure commence. À quatre. On prend la route, prêt·es pour une longue étape, enfin. Mes jambes me démangent.
LECTOURE – MANCIET
03/09 – 06/09
Jour 23. Une nouvelle aventure commence. À quatre. On prend la route, prêt·es pour une longue étape, enfin. Mes jambes me démangent. Lectoure et son ambiance british ne nous plaisent pas, mais on s’y attarde un peu, pour les chocolatines.. La bonne humeur colore cette journée. PA et moi pouvons enfin vraiment discuter, nous retrouver, nous souvenir. C’est joyeux. Chants, canons en français et suisse allemand, black stories et silences compenseront le trop plein de goudron… où l’on croisera, prisonniers, inertes, serpents, grenouilles, crapaud et blaireau. Paix à eux, où qu’ils soient. Et au loin, pour la première fois découpées dans un horizon bleu azur, les Pyrénées. Ces Grandes Dames, majestueuses. Je reste là, sans voix, émue. Elles veilleront sur nous jusqu’à ce que nous passions de l’autre côté. Et après encore. Impassibles et paisibles.
Jour 24. À la cathédrale de Condom, on se sépare pour marcher seul·es. Juste avant le pont d’Artigues, je prends le temps d’écrire, de regarder, de rêver… Bienvenu moment de reconnexion. À tour de rôle dans la journée, nous traverserons ce pont. Saint-Jacques de Compostelle se trouve désormais à moins de 1000 km. Retrouvé·es à Montréal (du Gers), la fluidité de l’instant amène Brice, Matt et Paul à nous rejoindre. Yoga, pizza chauffée sur le feu (pensée à ces deux jeunes hommes croisés à Saint-Chély-d’Aubrac, sources d’inspiration), chants encore, mantras, bâton enflammé.. feront de cette soirée l’une des plus joyeuses, douces et harmonieuses vécues sur le Chemin. On se perfectionne en maïs chaud, mais nos bananes au chocolat tombées dans les cendres nécessitent amélioration. Le sommeil vient nous trouver tard cette nuit-là, sous un ciel sublime.
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Jour 25. Aujourd’hui, je sens la fatigue, fort. À marcher à travers les vignes, les yeux qui se ferment parfois presque. J’ai besoin de temps pour moi. Pour écrire et pour dormir. Je m’arrête un peu avant le Chalet du Bonheur, et lorsque Fanny et Paul passent, on échange leurs fruits contre mes légumes, achetés plus tôt. Histoire que la préparation du repas puisse avancer sans moi. C’est ressourcée que je rejoins le petit groupe que le hasard et les sourires ont formé. Une délicieuse soirée au son de la guitare et de nos voix, aux saveurs d’un repas des plus simples et sophistiqués à la fois, à la douceur des plaids et des partages, à la complicité de nos cœurs ouverts ; nos rires résonnant tard dans la nuit.
Jour 26. Les kilomètres jusqu’à Manciet sont les derniers avec PA. Déjà. On les marche à deux et c’est doux. Le cœur serré, qu’un chaton joueur viendra un peu alléger. Alors on repart. À trois, Jacqueline, Fanny et moi.
SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
16/09
Jour 36
Ce soir, je prends nuit à Saint-Jean-Pied-de-Port. À l’aube des Pyrénées. Le cœur bercé par Dhafer Youssef, le Ciel partagé entre inquiétudes, excitation et envie. Entre angoisse et hâte. Entre me dissimuler dans ma coquille et gravir la montagne.
Cette nuit, je rêverai une dernière fois sous les étoiles vues de France. Puisque comme émantée, l’âme comme crochetée aux puissantes Dames, je vais monter là-haut, demain. Rencontrer, enfin, ces si hautes, mystérieuses, attirantes, majestueuses Pyrénées.
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