C’est une colère d’abord sourde, contenue, qui gronde en fond. Tout doucement. Un ronronnement. Puis qui s’amplifie. Peu à peu, elle grossit. À mesure des épisodes injustes, des expériences consternantes. Elle supplante petit à petit l’étonnement innocent, qui veut laisser une chance, qui aimerait que ce soit une erreur et espère que ça ne se reproduira pas. Mais ça se reproduit.
L’insouciance diminue tandis que la désillusion grandit. Affublée soit d’une salutaire résignation, soit d’une rage vaine. La première est confortable. Elle n’est pas confrontante mais au contraire accommodante, douce et tranquille. Parfois même, elle sauve des vies ; dans certains contextes, il n’est pas bon de se rebeller.
La seconde n’apparaît pas très enviable. Elle envahit de l’intérieur, prend aux tripes, fait vibrer le corps très fort. La respiration s’accélère, la gorge se serre, les pensées s’entrechoquent et le contrôle est souvent difficile. Un propos, un comportement, une situation vient provoquer l’idée qu’on se fait d’un monde équitable et beau, et notre cœur instantanément se comprime. Ça nous blesse. Ça nous touche personnellement. Ça nous atteint, dans notre chair. C’est ça, l’indignation. Une forme de fureur qui se développe en réaction, et tout notre être qui crie à l’injustice. Lorsque la dignité n’est pas respectée ; sous quelque forme que ce soit.
Il est grand temps de ne plus rien laisser passer. Cela ne rend service à personne, ni aux oppresseur·euses, ni aux oppressé·es.
Ôtons cette carapace qui nous protège de la douleur d’être touché·e. On n’en mourra pas. Permettons-nous de nous sentir concerné·e. Sentons alors cette impuissance qui nous démoralise, accueillons-la. Et dépassons-la. Commençons petit. Avec confiance et intégrité. Réfléchissons, éduquons-nous, intéressons-nous, regardons en face, laissons-nous inspirer, puis inspirons à notre tour. Offrons-nous le cadeau d’être les humain·es que nous rêvons d’être. Connecté·es à leur sensibilité, ancré·es dans leur élan à contribuer, intransigeant·es. Radicales. Radicaux.
« Never doubt that a small group of thoughtful, committed citizens can change the world. Indeed, it’s the only thing that ever has. »
« Ne doutez jamais qu’un petit nombre de citoyen·nes volontaires et réfléchi·es peut changer le monde. En fait, cela se passe toujours ainsi. »
Margaret Mead
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