Ça signifie sortir des injonctions. Qui nous assaillent de toutes parts, depuis toujours.
Ces « lâche prise », « prends soin de toi », « sois calme », « fais preuve de bienveillance » qu’on croise dans les magazines, sur les réseaux sociaux, dans tant de livres de développement personnel, dans les discours de grand·es pont·esses ou de nos proches. Partout, tout le temps.
Ces recettes magiques qui appellent à l’ouverture du cœur, l’amour de notre prochain, la non-violence, la performance, la joie, le courage, la force à toute épreuve. Ces ‘valeurs’ auxquelles on doit absolument correspondre. Pour être heureux·se. Ou paraître heureux·se.
Avoir beaucoup d’ami·es, apprécier tou·tes les membres de sa famille, être à l’aise en société, être sensible mais pas trop, dire ce qu’on pense mais pas trop. Cette image à laquelle on se dit qu’on doit coller – pour être aimé·e. Cette perfection impossible à atteindre, puisque bourrée d’injonctions paradoxales et d’expectations déconnectées de la réalité.
C’est à ne plus savoir où donner de la tête sitôt qu’on tente de répondre à un échantillon, même faible, de ces attentes. On essaie et on s’écroule. Comme après avoir tourné longtemps sur soi-même et ne plus pouvoir ensuite mettre un pied devant l’autre sans manquer de tomber. C’est à s’y perdre. Et on s’y perd ; asservi·e par des subjectivités qui ne sont pas les nôtres.
Et puis le déclic. « Ce qu’on me demande-là ne me correspond pas. Ce n’est pas moi. » À la seconde où on met le doigt sur l’une de ces injonctions, les autres se dévoilent brutalement, à la chaîne. Si nombreuses, c’est effarant. Impossible de fermer les yeux. D’oublier, de faire comme si l’on ne savait pas. C’est trop tard. C’est vertigineux, inconfortable, ça ébranle un peu ou beaucoup ; et c’est lumineux, attirant, excitant.
Alors on entame le chemin de la déconstruction. La lente descente vers nos envies réelles, nos aspirations, nos élans, ce qui nous procure de la joie, ce qui nous épanouit, nous détend, nous fait vibrer, ce qu’on veut, ce qu’on aime. Peu à peu, se dévoilent des repères internes qu’on ne soupçonnait pas, une boussole intérieure infaillible ; une confiance en nos ressources s’installe.
En réalité, on est toujours soi. Régi·e par des injonctions ou non. Il n’existe pas un moment où on est soi, aligné·e. ; et un autre où on ne l’est pas car on fait quelque chose qui ne nous ressemble pas. On ne peut pas être quelqu’un·e d’autre que soi.
Simplement, on peut avoir pour perspective d’évolution la liberté. Évoluer hors de ces conditionnements. Choisir pour soi, en fonction de soi.
Être soi, alors, signifie s’entendre. Éminemment. Se découvrir, s’explorer, s’accueillir. Écouter le mouvement de la Vie en soi, impermanent. Lui laisser l’espace d’exister.
Sentir grâce à son corps quelle est la meilleure décision pour soi. Être à l’écoute de la crispation si l’on fait mine de prendre une direction, et de la détente lorsqu’on choisit finalement l’autre chemin.
Lâcher les opinions extérieures, et demeurer ouvert·e à cette sensation qui nous guide, cette intuition, ce qui en nous sait ce qui est bon pour soi. Se laisser une chance de choisir la voie qui nous emplit de joie.
Être soi signifie aller à sa propre rencontre. Et se vivre, librement.