Et si le cadre n’avait pas de bords ?

[À lire en écoutant Mélocoton de Colette Magny]

Salut bonsoir !

Je suis un peu fatiguée, je ne sais pas où ces mots vont aller…
Cette nuit, j’ai dormi 5h. Je me suis couchée alors que les premières lueurs perçaient au loin mais que les oiseaux n’étaient pas encore épuisés par leurs imperturbables chants nocturnes. Je suis rentrée chez moi si tard parce que hier soir, j’ai fêté les 30 ans d’un ami. C’était la grosse fiesta, de la musique, du monde et de la bouffe partout. Les gens font souvent ça, à leurs 30 ans, une grande fête. Quand ce sont des chiffres ronds, en fait. Mais 30 ans particulièrement. C’est comme 18 ans, une sorte de palier. On devient de vrai·es adultes, à 30 ans ?

Ça veut dire quoi, être adulte ?

J’ai eu 30 ans il y a une semaine. Le jour des élections (paie ton cadeau…). Je n’ai pas l’impression d’être différente. Y’a-t-il des personnes qui se sentent différentes au lendemain de leur anniversaire, pour de vrai ? Des personnes pour qui cela signifie réellement quelque chose, une année de plus ? Ce serait comme une étape, un passage. Une avancée supplémentaire en direction de l’image qu’elles s’étaient faites, avant, de leur vie d’après, dont elles s’approchent rapidement finalement.

« À 30 ans, j’aurai un amoureux et des enfants, un boulot qui me plaît, une maison et un chat (variante du traditionnel labrador). »

C’est ça, réussir sa vie ? Non pas avoir la famille, l’argent et la baraque – on s’entend quand même plutôt sur le fait que les désirs varient d’une personne à l’autre, non ? – mais avoir atteint ce qu’on croyait vouloir dix années auparavant.
Je dis « croyais vouloir » parce que qu’est-ce qu’on sait vraiment de ce qui sera bon pour nous dans quinze ou vingt ans ? Comment alors le vouloir, si même on ne le sait pas.

Il y a ce qu’on intègre depuis tout·e petit·e, ces images, ces films et ces discours omniprésents de ce qu’est une vie parfaitement réussie, joliment parfaite, absolument jolie. Et si lisse. Et si creuse. Si vide. Triste.
À laquelle pourtant on s’accroche. Dans laquelle malgré tout on se projette.
Parce qu’on croit que cette perfection absolue nous apportera tout un tas de choses formidables. La joie, la détente, la tendresse, la légèreté. Le bonheur. L’Amour.
On se plante.

Ce n’est peut-être pas la maison que je veux, au fond, mais un abri. Et si j’adore explorer, grimper aux arbres et me perdre toujours plus loin, peut-être que cet abri est un véhicule aménagé qui me permettra à la fois d’avoir un chez-moi et de vagabonder sur les routes du monde entier ?
Plutôt que la maison, c’est le camion qui m’apportera sécurité, joie et liberté.

Qu’est-ce que j’aimais, enfant ? Qu’est-ce qui me faisait vibrer, à quels moments des sourires irrépressibles fendaient mon visage, quand est-ce que mon cœur s’ouvrait si grand que je me sentais invincible ? Et aujourd’hui ?
C’est de ces rêves-là que naît notre vie « réussie ». C’est en écoutant ces élans, ces aspirations, ces mouvements que tout devient cohérent. Que tout s’apaise.

On a du pouvoir au sein du cadre. Mais également sur le cadre.
Les bords du cadre que l’on croit rigides ne le sont pas.

J’ai eu 30 ans il y a une semaine, et j’ai une vie bizarre et inquiétante selon plein de gens. Pourtant, plus j’avance (plus je vieillis), plus mon quotidien ressemble à mon idéal du monde. Plus ce doux mélange d’apprentissage théorique et d’expérimentation me permet d’aligner mon existence à ce que je ressens et aime vivre.
Et chaque année s’éloigne un peu plus la vie moulée dans laquelle je n’ai jamais pu me glisser. Adieu et à jamais !

C’est une lettre courte. C’est une lettre simple. Foutons-nous la paix (lisons Fabrice Midal). Écoutons notre cœur, notre voix intérieure, notre âme ou notre instinct, peu importe le mot, je sais que vous savez. Vivons !

Alexe